L’alimentation en cas d’insuffisance rénale chronique : un pilier de la prise en charge
L’insuffisance rénale chronique (IRC) est une pathologie silencieuse mais progressive, qui altère le fonctionnement des reins et impose, à un certain stade, des adaptations précises du mode de vie. Parmi celles-ci, l’alimentation joue un rôle central pour ralentir la progression de la maladie, limiter les complications métaboliques, et préserver la qualité de vie.
Pourquoi adapter son alimentation ?
Lorsque les reins fonctionnent moins bien, leur capacité à filtrer les déchets, réguler les électrolytes (potassium, sodium, phosphore) et maintenir l’équilibre acido-basique s’amenuise. Une alimentation non adaptée peut alors :
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aggraver la surcharge en toxines (urée, créatinine),
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perturber le bilan électrolytique (trop de potassium ou de phosphore),
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favoriser l'hypertension ou l’œdème (excès de sel),
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accentuer la dénutrition (notamment en lien avec les régimes restrictifs ou la perte d’appétit).
LES GRANDS PRINCIPES ALIMENTAIRES DE NÉPHROPROTECTION.
Les recommandations varient selon le stade de la maladie, la présence ou non d’une dialyse, la corpulence, l’état nutritionnel, les bilans sanguins et les comorbidités (diabète, hypertension, maladies cardiovasculaires…).
Voici les grands axes de la prise en charge nutritionnelle en dehors de la dialyse :
1. Apport en protéines : ni trop, ni trop peu
➡️ Objectif : 0,6 à 0,8 g/kg/jour en général (hors dialyse)
Les protéines génèrent des déchets azotés que les reins doivent éliminer. Il est donc souvent recommandé de modérer les apports tout en évitant toute dénutrition. Les protéines doivent être de bonne qualité biologique : œufs, volailles, poissons, produits laitiers en petite quantité.
2. Sodium (sel) : réduire sans supprimer
➡️ Objectif : <6 g de sel par jour
Un excès de sodium favorise l’hypertension artérielle, la rétention d’eau et l’aggravation de l’IRC. On conseille de limiter les produits transformés (charcuteries, bouillons cubes, plats préparés) et de saler modérément les plats maison.
3. Potassium : surveiller en fonction des analyses
➡️ Objectif : adapté en cas d’hyperkaliémie
Lorsque le taux de potassium dans le sang est élevé (>5.0 mmol/L), certains aliments riches doivent être limités : bananes, tomates, pommes de terre, avocats, fruits secs, chocolat… Le traitement diurétique, le niveau de filtration glomérulaire et la prise de résines (kayexalate) modulent les recommandations.
4. Phosphore : éviter la surcharge
➡️ Objectif : normaliser la phosphatémie pour prévenir les troubles osseux
Le phosphore s’accumule lorsque les reins ne l’éliminent plus correctement. On le trouve dans les produits laitiers, les fromages à pâte dure, les charcuteries, les sodas au cola, les céréales complètes… On privilégiera les sources animales digestes et une lecture attentive des étiquettes (additifs : E338 à E343).
5. Liquides : adapter selon la diurèse et le poids
➡️ Objectif : ajuster l’hydratation
En dehors de la dialyse, il n’y a pas toujours besoin de restriction hydrique, sauf si la diurèse baisse, s’il existe une rétention d’eau, ou en cas d’hyponatrémie. L’eau faiblement minéralisée est préférable (type Mont Roucous, Rosée de la Reine…).
6. Équilibre acido-basique : privilégier les aliments alcalinisants
➡️ Objectif : limiter l’acidose métabolique
On favorise les fruits et légumes peu riches en potassium, les céréales semi-complètes, les oléagineux trempés, tout en réduisant les excès de protéines animales ou de produits transformés acidifiants.
Focus sur la prévention de la dénutrition
À mesure que l’IRC progresse, la perte d’appétit, les régimes restrictifs et les troubles digestifs exposent à un risque de dénutrition protéino-énergétique. Celle-ci aggrave le pronostic vital et la qualité de vie.
Pour la prévenir :
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Maintenir un poids stable ou au moins un apport calorique suffisant (30-35 kcal/kg/j).
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Fractionner les prises alimentaires si l’appétit est réduit.
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Utiliser des compléments nutritionnels oraux adaptés aux reins si nécessaire.
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Assurer un suivi diététique régulier, avec impédancemétrie si possible.
En résumé
L’alimentation en cas d’insuffisance rénale chronique constitue un levier puissant de néphroprotection. Elle doit être personnalisée, régulièrement réévaluée, et centrée sur l’équilibre, la sécurité et le plaisir.
Un suivi par une diététicien spécialisé en néphrologie est vivement recommandé pour adapter les conseils alimentaires à chaque étape de l’évolution de la pathologie.